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Le manoir du « Grand Ménez » - en breton « Ménez-Bras » - est situé dans la partie rurale de la commune d’Esquibien, près de la Pointe du Raz (Finistère).
La date de sa fondation que je n’ai pu retrouver, remonterait à la période médiévale. D’après la tradition orale, transmise de génération en génération, incertaine sans doute, mais qui, je le crois, doit cerner de près la vérité, il aurait été fondé par un seigneur du Ménez. Celui-ci aurait participé à une croisade et aurait reçu en apanage du roi de France - vraisemblablement Saint Louis - le terroir du Ménez. Le fief devait être d’une certaine importance car il comprenait de nombreux « convenants » et plusieurs « maisons nobles ».
Le fonds du « convenant » de Kersivien était affermé en 1777 à l’un de mes ancêtres – Hervé CARIOU qui fut maire de la commune d’Esquibien sous la Révolution – moyennant un revenu annuel de huit combles de froment, quatre combles de seigle et deux combles d’avoine (1).
Les seigneurs du Ménez blasonnaient « d’azur à la croix pleine d’or cantonnée au premier canton d’une main dextre d’argent, autour le collier de l’ordre Royal de Saint Michel » dont le seigneur devait être chevalier. Ci-joint la reproduction d’une photo où l’on distingue, sous le casque la devise « Fide et Operé » (par la Foi et par les Actes) (1).
A la fin de l’Ancien Régime, le domaine du Ménez-Bras appartenait à la famille de Kergariou. A la Révolution, le chef de famille émigra en Angleterre, et les autres membres à Coblentz (Allemagne). Le Comte Joseph de Kergariou, Officier d’Infanterie, fit partie de l’Armée royaliste qui fut défaite à Quiberon par les armées républicaines ; il fut tué au cours du combat et sa tombe se trouve au cimetière de cette localité.
Aucun représentant de la famille n’étant resté en France, les biens furent décrétés « biens nationaux » et vendus comme tels ; ils furent adjugés au citoyen au citoyen Yves PELLE, négociant en grains à Kervréac’h en Audierne, le vingt Nivose An II, pour la somme de 20.400 livres.
Dès lors, le Manoir et ses annexes furent utilisés comme bâtiments de ferme ; l’oratoire situé dans la grande salle du rez-de-chaussée servit de laiterie, une aile du Manoir fut affectée à d’autres usages agricoles, et jusqu’à es temps derniers, l’écurie était installée au rez-de-chaussée de la tour, tandis qu’un tas de fumier s’étalait dans la cour !
Par la suite le Ménez-Bras connut plusieurs propriétaires dont M.R.A.DE COUVRANT qui fut maire de la commune d’Esquibien de 1838 à 1844 et d’avril à août 1848. La commune ne possédant pas de mairie, celle-ci était installée dans une des chambres de la tour.
A M. DE COUVRANT succéda M. DUMANOIR qui lui aussi habitat le Ménez-Bras. A son décès, ce fut le fermier, un nommé Yves JAOUEN qui en fit l’acquisition mais il ne put jamais en en acquitter le prix et se résoudre à vendre. Finalement, le domaine échut à LE BESCOND DE COATPONT (2) de Plabennec, ancien Conseiller Général du Finistère. Celui-ci ne l’occupa jamais. Le fermier resta en place et les années s’écoulèrent sans évènement notable.
Toutefois, lorsque intervint la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État, les prêtres de la paroisse, en guise de protestation, quittèrent le presbytère au Bourg, pour venir habiter le Ménez-Bras ; M. l’Abbé MICHEl, recteur et son vicaire occupèrent les deux chambres de la tour. Ils y demeurèrent un certain temps, mais je ne puis préciser la durée de leur séjour.
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Le manoir est bâti presque au sommet d’une motte dominant un vallon verdoyant. C’était à l’origine un petit château fort ; à l’ouest il y avait des douves dont les vestiges apparaissaient encore au début du siècle, au nord et à l’est il y avait et il y a toujours de hauts murs percés e meurtrières que l’on remarque toujours nettement.
Le Ménez-Bras était relié par une allée et un souterrain à la maison « noble » de Kerhorre qui en dépendait. Le souterrain long de 1500m environ prenait naissance dans la cave ; il a été bouché, mais de récents travaux de terrassement l’on encore découvert. Quant à l’allée, elle ne subsiste plus depuis longtemps, mais il subsiste le lieu-dit « Allée Garro » (improprement appelé Calégaro – en français « Allée du Cerf »), lieu-dit qui devait être situé proche du parcours de l’allée.
A proximité d’une aile, il y avait le four banal dont la porte d’entrée est encastrée dans un mur, et en bas du verger, on voit encore les vestiges du colombier.
Dans la cour, spacieuse, il y a, remis en état, et en bonne place, un « évier » moyenâgeux taillé dans un bloc de pierre d’une seule pièce : il est composé de deux parties de profondeurs inégales s’entrecommuniquant par le haut, se vidant séparément par le bas ; sur le rebord extérieur est creusé un emplacement peu profond pour y poser savon et autres objets, à côté il y a une tablette de lavage d’un granit lisse d’une finesse extrême, cette installation sert encore de nos jours.
Puis il y a aussi, adossé à la façade du bâtiment principal, un petit édifice de 0m80 de hauteur recouvert d’une grande dalle faisant 1m60 de long sur 1m de large, et dans un bout, des marches pour accéder sur le dessus : c’était le montoir à l’usage de la Comtesse de KERGARIOU pour monter à cheval, tout près, l’anneau en fer, servant à attacher la monture, à résister aux atteintes du temps…
Anciennement un moulin à vent était rattaché au Ménez-Bras. Les fermiers des « convenants » relevant du fief, avaient obligation d’y faire moudre leur grain, comme ils avaient obligation de travailler à la construction et à l’entretien des larges talus de terre entourant le domaine proprement seigneurial, qui comprenait une métairie (c’est le « Véroury » actuel). Le moulin culminait sur une large butte à quelques centaines de mètres du manoir ; il a été rasé vers 1885 et il n’en subsiste plus aucune trace, mais il a donné le nom au lieu-dit « Meil-ar-Ménez » (en français « Moulin du Ménez »).
Le manoir possède également une chapelle située dans le jardin. A l’extérieur sur le frontispice, on voit une couronne sculptée en relief dans la pierre (3) ; à l’intérieur, il y a un bénitier qui porte, en exergue, une tête de croisé. Autrefois, la chapelle était placée sous le vocable de Saint Julien, mais, quelques années après les apparitions, la famille du propriétaire de l’époque fit un pèlerinage à Lourdes et en ramena une statue de la Vierge, quasi-grandeur naturelle, fort jolie d’ailleurs ; désormais elle fut dédiée à Notre Dame de Lourdes. Et, depuis ce temps-là, jusqu’au début de ce siècle, les habitants des villages voisins s’y réunissaient les soirs de Mai, pour y célébrer le mois de Marie.
Tout ce qui précède semble bien confirmer la participation d’un seigneur du Ménez aux croisades.
A l’origine le terroir du Ménez s’étendait de Pont-Pren au Loch. Il a bien diminué depuis. C’est ainsi qu’au cours du 17ème siècle un Javeigneur du Ménez, c’est ainsi qu’on appelait à l’époque le fils cadet d’une maison noble, fit construire le manoir de Lézurec et reçu en partage des bois et des terres d’une étendue considérable. Cette famille pris le nom du Ménez de Lézurec.
Le Ménez-Bras a toujours été encadré d’arbres de haute futaie, de taillis et possédait deux grandes prairies, l’une au nord et l’autre au midi ; cette dernière fait maintenant partie du territoire d’Audierne qui a été érigée en commune en 1793, mais elle a toujours gardé le nom de « Fouennec ar Ménez ». Elle avait été amputée à son extrémité sud-ouest d’une petite part qui fut cédée par l’un des deniers seigneurs du Ménez à la noble Dame de Kermabon pour … un baiser.
D’après la légende, légende tenace d’ailleurs, il y aurait au Ménez-Bras un trésor caché, ce trésor composé de pièces d’or et d’argent aurait été enfoui, précipitamment, par les émigrés avant leur départ pour l’étranger. Mais d’anciennes fouilles pour le découvrir son restées vaines.
Après la période révolutionnaire, le manoir ne fut ni entretenu ni aménagé. Jusqu’à nos jours le sol du rez-de-chaussée était en terre battue, le plancher des chambres en torchis, les lucarnes des greniers avaient disparu en grande partie. Les chouettes avaient élu domicile dans les combles de la tour ; la nuit, on entendait leurs hululements dans les arbres et aussi certains bruits insolites dans les greniers ce qui faisait dire à la bonne et vielle servante Marie-Louise que le manoir était hanté par les revenants.
Il y a aussi de noter qu’après la vente des biens, le mur d’enceinte large de 2m et les belles écuries placées en haut de la cour, furent démantelés : les pierres de taille servirent à construire un petit manoir situé à 2 Km 500 environ à l’est. Dès lors pour les différencier, on appela l’un le Ménez-Bras et l’autre le Ménez-Bihan.
En dernier lieu, le Ménez-Bras appartenait au marquis Jean Bruno de Sartre demeurant à Carrières-sous-Bois, près de Paris, petit fils, de par sa mère de M. Le Bescond de Coatpont.
Le domaine transformé en ferme depuis la Révolution était tenu par la famille Jaouen-Pichon qui était sur les lieux depuis plusieurs générations.
Le propriétaire, assez désargenté, se contentait de toucher le fermage et n’effectuait guère de réparations, de sorte que le manoir allait se dégradant d’année en année. Aussi M. de Sartre se résolut à la vente. Les terres et les bois se vendirent aisément, mais le manoir délabré et désuet ne trouva point d’acquéreur. Devant cette situation, le notaire chargé de la vente me fit connaître que le propriétaire était disposé à le céder pour le prix des pierres de taille. Les démolitions seraient restées sur place et eussent formé un amas de décombres. D’autre part, si le manoir avait disparu, il est vraisemblable que le bel environnement qui l’agrémente aurait été sacrifié à d’autres fins.
Il ne fallait point laisser s’accomplir un tel sacrilège ; il fallait que je redonne une âme à ces vielles pierres témoins d’un long passé.
(1) Archives Départementales du Finistère (2) Le mot Bescond veut dire en français Vicomte (3) Sans doute une couronne comtale
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